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Game of Thrones : une leçon de respect, de violence et d’amour ?

Par Siana, le 23/09/2022

« Je vais t’apprendre le respect ! » Non, cette phrase n’est pas tirée de la série, mais vous l’avez sûrement déjà entendue, souvent prononcée par un adulte envers un enfant ou un ado, et sur un ton menaçant parce que ça rend mieux.

L’art du respect par la force, par la violence, par la peur… Je l’ai croisé aussi dans Game of Thrones, et je me suis demandé « mais pourquoi ? ». Par chance, cette série est très intéressante pour analyser les personnages, notamment leurs raisons d’agir, leurs peurs, leur évolution. Alors que je suis profondément non-violente, elle m’a permis de mieux comprendre les arcanes de la violence et de cette envie (habitude ?) de faire passer le respect par la peur. D’ailleurs, dans Game of Thrones, on trouve aussi d’autres formes de respect, qui ont toute ma préférence.

Demandons aux personnages ce qu’ils en pensent…

 

Note : ici, je vais parler de la série HBO, je n’ai pas encore lu les livres, mais j’ai acheté le tome 1 par curiosité donc vous aurez peut-être d’autres articles sur cette célèbre saga.

 

TW : violence, viol + quelques spoilers

Le respect par la peur

L’idée répandue veut que le respect peut s’acquérir par la peur, et souvent, que c’est même le seul moyen de l’obtenir. Game of Thrones transmet aussi cette idée, à travers ses conquérants. À plusieurs reprises, les princes et les rois de Westeros sont poussés à répondre aux trahisons par la violence. Parce que soi-disant : « Ton peuple ne te respectera pas, si tu ne le fais pas ». Il n’y a jamais de remise en question de ce principe. Il faut toujours être « plus dur » et donc potentiellement conquérir des terres, tuer des hommes et violer des femmes.  Pour certains soldats, violer des femmes, c’est même un trophée. Je ne sais plus quel personnage rétorque à un autre que ses gardes vont se plaindre si on ne leur laisse pas leur récompense (comme si la guerre n’avait déjà pas assez ravagé les victimes). Parfois, il est aussi mentionné que ce genre de violence s’apparente à « faire ses preuves ». Hum… donc pour « faire ses preuves », il faudrait détruire l’autre ? Comme si la seule façon de devenir quelqu’un était de nier l’autre, jusqu’à lui retirer tout droit d’exister ? On retrouve la même idée avec l’esclavage, sujet important de la série.

D’ailleurs, j’ai tiqué quand j’ai vu Tyrion Lannister être menacé de mort, capturé puis vendu en tant qu’esclave (saison 5). Certaines brutes sont visiblement plus intéressées par la violence que par les compétences qu’un homme pourrait leur apporter. En l’occurrence, Tyrion a un savoir-faire de conseiller royal, il connait les tactiques de guerre et la ville où il est né. Toutes ses connaissances et ses compétences intellectuelles valent cher. Sauf que les barbares restent focalisés sur sa petite taille. Du coup, ils sont tellement à côté de la plaque, engoncés dans leur violence, qu’ils se privent des meilleures compétences stratégiques !

J’en ai vu dans Game of Thrones, mais aussi dans d’autres histoires, des têtes couronnées qui condamnent des personnages très compétents au nom d’une trahison, d’un refus d’obtempérer ou d’un honneur à sauver. « Mon prince, vous ne pouvez pas ignorer son geste, il doit payer. […] Jamais ils ne vous respecteront, s’il reste en vie. », dit un soldat à Theon Greyjoy, au sujet d’un maître d’armes ennemi qui refuse de lui prêter allégeance (rip Ser Rodrik Cassel, saison 2). Quand le mestre Luwin a les idées claires, répondant que « mort, il ne vous est plus d’aucune utilité ».

Alors, on sait rapidement ce qu’ils désirent, quand ils crient au respect, qu’ils le prônent et le réclament avec violence… mais est-ce vraiment ce qu’ils veulent, au fond ?

Le respect pour l’ego

« Tant que je ne serai pas six pieds sous terre, la guerre ne saurait avoir de fin. Car cette place est la mienne et je suis prêt à y mourir. » (Brynden Tully, dit Le Silure, saison 6) Que son château et ses centaines d’hommes soient menacés par un siège lui importe peu. Monsieur a décidé qu’il refusait de se rendre. Quand bien même on lui demande de penser à ses soldats et aux vies qui périront par sa décision… Monsieur refuse. Mais sur ce champ de bataille, il n’est pas seul. Il y a deux clans, deux chefs de guerre et leurs armées respectives. Disons, pour simplifier, que deux rois ont pris chacun une décision à base de « non, c’est moi qui veux gagner ». Et on en revient au fait de détruire l’autre pour avoir la victoire.

Pourquoi ? Eh bien… je ne sais pas. Pourquoi un roi voudrait conquérir un territoire. Pour l’argent ? Pour les terres, les ressources ? Pour avoir plus de main d’œuvre ? Toutes ces raisons semblent logiques. Mais… Il reste qu’une guerre a des conséquences. Et ce sont rarement ceux qui décident de guerroyer qui en paient le prix fort. Les soldats et les civils sont tués avant les têtes couronnées, donc avant ceux qui décident. Pardon, avant ceux qui ont décidé de les envoyer au casse-pipe. Parce qu’il y a clairement de la chair à canon, dans ces décisions. Les rois sacrifient « ceux qui ne sont rien » (Oui, citation de Macron fort à propos pour cet article…). Comme Le Silure, qui veut garder le château parce qu’il appartient à sa famille. Mais combien d’âmes vaut un château ? Combien d’âmes autres que la sienne, bien évidemment ?

Cerseï aussi est un bon exemple de ce type de monarque. Faut-il que je spoile/rappelle la fin de la saison 6 ? Elle n’hésite pas à perpétrer un attentat pour échapper à la justice. Elle se sauve elle, sacrifiant de nombreuses personnes à sa cause. Dont des femmes, des enfants, des personnes pieuses, tous innocents. Et ce n’est pas la seule, car la série est régulièrement ponctuée de menaces, de meurtres et de sacrifices au nom des familles royales. Mais la loi du plus fort ne devient-elle pas la loi du plus barbare, du plus cruel, du moins humains, au bout d’un moment ? Et on en revient encore à l’idée qu’être ou rester soi-même, c’est avant tout détruire l’autre jusqu’à lui retirer son droit d’exister. « C’est toi ou moi », crient parfois les personnages dans les histoires. Sauf qu’on ne s’attendrait pas à ce qu’il reste quelqu’un d’autre que « moi », n’est-ce pas ?

D’ailleurs, pour certains, ce n’est jamais leur faute. « Il m’a manqué de respect. Cette décision est la sienne, non la mienne. » (Theon) Comme si, tout à coup, celui qui abat l’épée n’avait plus les moyens de décider ses propres gestes. Eh oui, la déresponsabilisation, c’est bien plus facile à se raconter que d’admettre que l’on condamne quelqu’un à mort.

Alors, d’accord, le moi-moi-moi, ça peut se comprendre par le besoin d’estime de soi et de  prouver qu’on a soi-même le droit d’exister. Même si son application peut devenir un tantinet excessive, comme on vient de le voir. La violence, toujours la violence…. N’y aurait-il pas d’autres moyens d’obtenir ce fameux respect que tout le monde désire ?

Le respect par l’amour

Non, non, ce n’est pas une blague. Daenerys elle-même l’a découvert… avant de l’oublier, enhardie par ses désirs de conquête et de vengeance.

N’avez-vous pas été subjugués en la voyant par deux fois sortir indemne des flammes ? Elle a le sens du spectacle, Daenerys ! Elle a même tellement fasciné son public que tout le monde s’est agenouillé. Ouais, comme ça, gratuitement. Elle n’a pas eu besoin de menacer quiconque. Elle n’a même sorti aucune parole, laissant le spectacle s’ancrer dans leur esprit et les gens se faire leur propre interprétation de ce qu’ils voyaient. À leurs yeux, elle est certes devenue une femme invincible, mais aussi celle qui a ramené une espèce éteinte à la vie (les dragons) et qui parle au peuple de manière pacifique (au début, en tout cas). Daenerys commence par sa quête de libération des esclaves. Oh, elle tue bien quelques personnages en passant, mais c’est pour sauver le plus grand nombre, pour faire cesser des souffrances. Nous avons donc ici un premier moteur positif de respect : l’admiration. En gros, c’est exactement ce que vous ressentez pour vos artistes favoris, ceux que vous suivez partout et dont vous ne loupez aucune actu !

Quand j’ai analysé les scènes décrites plus haut, j’ai vraiment eu l’impression qu’au-delà du respect, c’est surtout l’obéissance du peuple qui était recherchée. J’ai aussi eu l’impression qu’il y avait une confusion entre le respect et l’obéissance. Car opposer un refus avec politesse, est-ce du manque de respect ? Est-ce que ça mérite une punition ou une décapitation ? L’obéissance, on peut voir que Daenarys en profite sans avoir besoin de la réclamer à son peuple. D’ailleurs, à ce stade, ce n’est même plus de l’obéissance, cela devient de la dévotion. C’est-à-dire que les esclaves se soumettent à elle par choix personnel, parce qu’ils voient en elle une personne qu’ils souhaitent suivre. Et moi, je me pose la question : du soldat terrifié ou du fanatique, lequel risque le plus de déserter ? Lequel ira le plus loin pour son monarque ?

Du coup, on peut aussi constater une confusion entre le respect et la peur, non ? Par exemple, ça vous arrive souvent de devoir effrayer vos amis pour qu’ils vous respectent ? Mieux, est-ce que vous avez besoin de les effrayer pour qu’ils vous rendent un service (et donc qu’ils vous obéissent, d’une certaine manière) ? Daenerys suscite énormément d’admiration, mais en libérant de nombreux esclaves et en abolissant les inégalités, en étant elle-même proche du peuple, elle attire aussi de la sympathie. Les producteurs de la série ont exagéré l’aspect dévotion, parce qu’à l’écran ça rend mieux, mais on peut estimer qu’en dehors de celle-ci, la majorité des sujets de Daenerys l’apprécient comme une amie ou une mère (Mhysa, de son surnom donné par les anciens esclaves).

Finalement, c’est bien la seule monarque à ne pas chercher le respect qui l’a reçu au quintuple sans avoir besoin d’effrayer quiconque. Si elle avait continué sur cette voie, si elle avait eu conscience que les peuples de Westeros étaient de la chair à canon soumise au bon désir des rois et des reines, elle aurait pu gagner…

 

Si vous souhaitez pousser la réflexion, je vous suggère de découvrir l’impact des émotions sur la personnalité et pourquoi les méchants veulent souvent détruire le monde, vous y trouverez deux beaux exemples d’egos meurtris qui cherchent le respect par la peur.

 

En conclusion, j’ai un poncif qui me vient. Mais il est fort à propos, alors je le garde :

Faites l’amour, pas la guerre ! 🙂

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