You are currently viewing Comment écrire une bonne intrigue secondaire ?

Comment écrire une bonne intrigue secondaire ?

Par Siana, le 28/12/2021

Dans ma liste des vieux articles qui méritent une version longue et enrichie, j’ai nommé… la question des intrigues secondaires ! Posté à l’origine sur mes réseaux sociaux, l’ancien répondait à la problématique de Salomé, dont j’avais reçu un commentaire. Et elle avait fichtrement raison… On voit partout des bouquins pour apprendre à écrire un roman, et partout, on nous sert des schémas comme “le voyage du héros”… qui se concentrent donc sur l’intrigue principale ! Comme si les intrigues secondaires tombaient du ciel parfaitement orchestrées. Mais quel auteur n’a jamais eu de souci avec un love interest (ou un vieux sage, ou un meilleur ami) qui peine à s’immiscer au cœur de l’histoire parce qu’on ne sait pas trop quoi en faire ?

Alors, des fois, oui, un personnage inutile mérite d’être supprimé (ou tué, ça fait du drama en plus !), mais pas toujours.

Laissez-moi donc vous parler de ma récente (et nouvelle) expérience des intrigues secondaires !

Des fils d’intrigue comme au cinéma

Dans le cadre de mon travail pour Doors (application de lecture de séries), j’ai rejoint l’équipe d’un univers : Dream. Concrètement, je participe à la construction de l’histoire (les synopsis de travail, à partir de la deuxième saison), à la mise à jour de la « bible » qui répertorie tous les éléments de l’histoire (fiches personnages, contexte, etc.) et aux corrections éditoriales. Avec tout cela, on se rapproche des méthodes de travail qu’on trouve au cinéma ! Oui, oui, les synopsis et la bible, en particulier, sont des outils de scénaristes, employés pour construire énormément de séries audiovisuelles et de films. Mais un autre outil du cinéma s’avère vraiment très pratique… (je l’avais oublié, j’avoue, mais je l’ai retrouvé avec plaisir !)

Les scénaristes utilisent un schéma de construction narratif qui permet de prévoir et enrichir les intrigues secondaires dès le début ! Je dirais même, dès qu’on a les premières idées de l’histoire. Ce schéma est tout à fait efficace avant la construction d’un synopsis de travail. Mais que les auteurs les plus jardiniers se rassurent, cette technique est aussi adaptée à la réécriture et à la correction des manuscrits ! Elle peut en effet aider les auteurs qui se sentent perdus dans la construction de leur histoire à lui redonner un cap plus clair, ou à tout mettre à plat avant la correction.

En pratique, ce n’est pas trop difficile : il s’agit de délimiter les principaux fils narratifs. Décortiquons un exemple concret (cliché, simple et rapide) pour  que ça soit plus clair :
– Intrigue A, travail : Jade est embauchée en tant que commerciale dans une grande entreprise. Elle doit réussir le projet qu’on lui demande, afin de prouver sa compétence.
– Intrigue B, amour : Paul, un collègue de travail, drague lourdement Jade. Elle va apprendre à le connaître et lui faire prendre conscience de sa maladresse.
– Intrigue C, amitié : Yasmine, la meilleure amie de Jade, est à l’écoute de ses confidences et va l’aider à gérer ses problématiques du travail.
– Intrigue D, formation : Le soir, Jade suit une formation pour devenir manager, afin d’obtenir un meilleur confort de vie.

Ça, c’est le format des séries à la Netflix et de beaucoup de films. On a une intrigue principale (A), et plusieurs intrigues secondaires (B, C, D) qui n’avancent pas à la même vitesse. Certaines de ces intrigues n’auront que deux ou trois scènes par saison (C et D, potentiellement), quand d’autres se trouveront au centre de nombreux épisodes. Et dans un roman, ça marche un peu pareil, parce qu’on a besoin de répartir les scènes des différentes intrigues sur tout le long du manuscrit. Partant de là, il y a moyen de hiérarchiser les fils narratifs selon leur importance et leur place dans l’histoire, avec tout en haut le principal (si vous en avez un), puis les réguliers, et enfin les ponctuels. Faites juste attention à ne pas surcharger l’histoire ! Ce n’est pas le nombre d’intrigues secondaires qui définit une bonne histoire, mais leur richesse (qu’on va voir ci-dessous) !

Du coup, dans cette présentation, vous pouvez voir qu’on a les personnages, leur objectif (réussir un projet, draguer, aider, se former), parfois leurs motivations (prouver sa compétence, confort de vie), ainsi que des éléments de contexte (embauche, collègue de travail, meilleure amie). Vous remarquerez ensuite qu’on peut distinguer ici deux types d’intrigue : les « relationnelles » et les « événementielles ». Les premières développent chacune une relation entre des personnages (collègue, meilleure amie), qui évoluent durant l’histoire ; les secondes se concentrent davantage sur un événement ou un objectif plus matériel (travail, formation). Ainsi, le sujet principal de chaque fil narratif devient clair. Dans tous les cas, ces fils présentent chacun une situation initiale, une ou plusieurs étapes de développement et une situation finale. Ce ne sont pas des éléments qui apparaissent une seule fois dans l’histoire. À mon avis, un fil d’intrigue intéressant comportera d’ailleurs au moins trois scènes, de manière à ce qu’on lui donne assez de place pour évoluer.

Petit bonus : pour que ça soit clair dans votre tête, n’hésitez pas à nommer vos intrigues comme vous le souhaitez ! Il faut juste quelque chose de simple ; par exemple, ça peut être les noms des personnages pour un fil relationnel, ou le nom de l’objectif poursuivi par un personnage.

Une fois que vous avez réussi à délimiter vos intrigues, il ne reste plus qu’à faire opérer la magie ! (D’ailleurs, si vous avez galéré à obtenir un résultat équivalent à celui ci-dessus, c’est que vous avez déjà sûrement de la magie dans votre histoire !)

La force des intrigues secondaires

Parce que non, le schéma obtenu ci-dessus ne suffit pas, ce n’est qu’une base à exploiter. Pour obtenir des intrigues secondaires approfondies et intéressantes, qui apportent vraiment de la profondeur à l’histoire, il existe une question magique. Une question toute simple : comment cette intrigue influence-t-elle les autres ? Autrement dit, il s’agit de réfléchir à l’impact que chaque fil narratif a sur les autres, en positif… mais aussi et surtout en négatif (pour le dramaaaa !).

On va donc reprendre l’exemple ci-dessus de manière enrichie, pour voir ce que ça pourrait donner :
– Intrigue A, travail : Jade est embauchée en tant que commerciale dans une grande entreprise. Elle doit réussir le projet qu’on lui demande, afin de prouver sa compétence. Mais le harcèlement de Paul (B) ainsi que les appels personnels passés à Yasmine (C) depuis le travail vont sérieusement compromettre sa concentration. Ce qui conduit son responsable à émettre des réserves quant à la promotion qu’elle espère obtenir après sa formation (D).
– Intrigue B, amour : Paul, un collègue de travail, drague lourdement Jade. Elle va apprendre à le connaître et lui faire prendre conscience de sa maladresse. Ils font connaissance en s’encourageant suite à une surcharge de travail (A) et Paul montre qu’il a bon fond malgré tout. Mais Jade peine à percevoir ses bons côtés, la méfiance de Yasmine déteint sur elle (C). Elle voudrait inviter Paul au restaurant pour discuter tranquillement, mais sa formation lui laisse peu de temps (D).
– Intrigue C, amitié : Yasmine, la meilleure amie de Jade, est à l’écoute de ses confidences et va l’aider à gérer ses problématiques du travail. Yasmine se plaint aussi de ne pas assez voir Jade, entre son travail (A) et sa formation (D), tous deux prenants. Elle se moque souvent de Paul, essayant de convaincre Jade que ce n’est qu’un rustre comme les autres (B).
– Intrigue D, formation : Le soir, Jade suit une formation pour devenir manager, afin d’obtenir un meilleur confort de vie. Mais alterner entre son travail et les cours du soir est fatigant, et elle se demande si elle va y arriver (A). Seul Paul s’inquiète et lui demande des nouvelles, ce qui démontre sa sincérité (B). Yasmine, elle, l’appelle beaucoup trop souvent le soir, prétextant qu’elle aussi travaille en journée (C).

On peut voir que les fils narratifs ont chacun un impact différent sur les autres (pas toujours aussi fort), et c’est normal. Ici, l’exemple est simple, mais imaginez si on rajoute des éléments : Paul est marié, ou bien c’est l’ex de Yasmine, ou bien l’employeur de Jade dénigre sa formation… Même sur un schéma aussi simple et classique, il y a beaucoup de variantes possibles, et autant d’éléments qui peuvent venir créer un nouveau fil d’intrigue ou enrichir ceux déjà en place. L’idée, avec cette technique, c’est vraiment d’exploiter à fond les intrigues secondaires, afin d’aboutir au résultat le plus intéressant !

Dans tous les cas, la vraie magie des fils narratifs, c’est ça : enrichir l’histoire ! Chacun vient mettre des bâtons dans les roues ou faciliter le développement des autres. La complexité de l’histoire y gagne aussi souvent de nouvelles idées, qui surgissent durant ce processus de réflexion.

Et quelques autres tours de magie…

Gérer les intrigues secondaires passe aussi par d’autres éléments, voire d’autres questions, qui peuvent venir compléter la technique précédente. Voici donc quelques tours de magie supplémentaires :

– Quelle était la vie des personnages AVANT l’élément déclencheur ? Quels étaient leur environnement, leurs activités quotidiennes, leur vie familiale, leurs relations amicales ou amoureuses, les conflits et les ententes ? Et surtout : comment les personnages concilient tout ça avec l’histoire, à présent ? Exemple : Deux frères se détestent (passé), mais ils doivent voyager ensemble pour une quête (objectif, intrigue principale au présent), donc ça ne sera pas simple car leur conflit va les freiner, les séparer et amener de mauvaises décisions (intrigue secondaire relationnelle qui va contrarier l’intrigue principale).

– Poser des questions sur le contexte et les relations entre les personnages ! Sur une série que j’ai eue en correction éditoriale, l’année dernière, il manquait du lien entre l’intrigue principale (enquête policière) et les secondaires. Alors j’ai posé des questions pour faire réfléchir l’autrice : La romance avec un collègue n’est-elle pas source de déconcentration au travail ? Comment les problématiques de la vie perso se répercutent sur la vie pro, et inversement ? N’y a-t-il aucun conflit entre les collègues ? Le personnage principal a-t-il un hobby à côté du boulot ? etc. L’intérêt, ici, c’était à la fois d’étoffer les personnages et de rendre le contexte plus vivant, plus réaliste.

– Existe-t-il des échos, entre deux fils d’intrigue ou plus ? Si un objet ou un événement symbolique revient plusieurs fois, il peut être intéressant de réfléchir à sa place dans chaque intrigue. Il n’aura pas forcément besoin d’apparaître partout, mais justement, la question sera de savoir où se trouve sa meilleure place. Il faudra aussi déterminer dans combien de scènes il apparaît, à quelle distance des autres scènes ; bref, comment répartir les apparitions du symbole et quelles évolutions lui apporter. Surtout, et en particulier, s’il permet de créer un écho entre deux ou plusieurs fils narratifs !

– Bien répartir le temps de présence des fils d’intrigue… mais aussi des personnages ! Une alternance équilibrée entre ces différents éléments permettra de faire varier au mieux les émotions des lecteurs, et d’éviter de stagner sur un sujet ou de perdre un personnage en cours de route. Une seule mise à garde : pensez à ne jamais perdre de vue l’objectif central de l’intrigue principale, pour éviter les digressions à rallonge.

En bref : l’histoire sera d’autant plus intéressante si chaque événement a une influence sur la suite… Bonne ou mauvaise, ça c’est à vous de choisir !

 

Afin d’aller plus loin dans votre apprentissage d’auteur, et comme je sais que ce sujet en taraude beaucoup, n’hésitez pas à travailler sur votre style. Mais si la motivation vous manque (parce qu’écrire un roman c’est rarement de tout repos), c’est par là !

Vous pourriez aussi aimer…
Partager l’article :
S’abonner
Notifier de
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires